“Spotlight”: regard d’un journaliste et d’un communiquant sur le film

La vie du Club
 “Spotlight”: un film adapté de faits réels, Spotlight retrace la fascinante enquête du Boston Globe (couronnée par le prix Pulitzer)  qui a mis à jour un scandale sans précédent au sein de l’Eglise Catholique. Une équipe de journalistes d’investigation, baptisée “Spotlight”, a enquêté pendant 12 mois sur des suspicions d’abus sexuels au sein d’une des institutions les plus anciennes et les plus respectées au monde. Un journaliste et un communiquant du club de la presse et de la communication critique et analyse. Regards croisés. 
spotlight
                                                                                                          Voir la bande annonce du film    
guillaume mollaret

La critique.-Le mérite de Spotlight réside dans la mécanique qu’il raconte. Comme dans Colombo, on sait dès le départ ce qu’il adviendra à la fin… Mais le suspense est tenu par les mécanismes, peu à peu révélés, qui permettent à la vérité cachée d’éclater au grand jour. Pas de course poursuite, pas de musique dramatique, ni de coup d’éclat venu de nulle part dans le scénario… Le travail des ces journalistes est dans la vraie vie bien plus laborieux (comment être excité à l’idée d’aller chercher une information dans des registres moisissant au fond d’une cave sans savoir ce que l’on y cherche vraiment ?). Spotlight réussit pourtant le tour de force de rendre chaque menu détail suffisamment intrigant pour tenir en haleine de spectateur jusqu’à la révélation de leur importance capitale. Au-delà, Spotlight met en scène l’Age d’Or du journalisme. Celui d’avant Internet, quand le papier était  encore dominant. C’était il y a 15 ans. A l’échelle du développement numérique dans les médias traditionnels : la  préhistoire.

L’avis du journaliste.- Spotlight, c’est évidemment le genre de film qui donne envie de devenir journaliste. C’est le rôle dont tout le monde rêve quand il sort de l’IJBA ou de l’ESJ. Comme Bas les Masques ou Les Hommes du Président. La réalité est, pour beaucoup, très éloigné du quotidien des enquêteurs de cette équipe du Boston Globe. Le tournage s’est étalé sur des mois afin de montrer Boston sous la neige, le soleil d’été, et au premier bourgeons du printemps… Tout cela pour sortir un article -et quel article !- primé par le Prix Pulitzer. Rares sont les reporters à qui l’on donne le pouvoir de travailler autant de temps sur un seul et même sujet, alors ne boudons pas notre plaisir de voir ce film. Quel journaliste n’a pas été impatient, au point d’en mal dormir, de découvrir le journal du jour sachant que son sujet va faire la une ? Spotlight dit aussi une vérité de notre métier. Un œil neuf (ici celui du nouveau directeur de la rédaction) permet parfois au plus expérimenté (le chef d’équipe campé par Michael Keaton) d’aborder les choses que l’on pensait connues de tous sous un angle inédit et même, dans le cas présent, salvateur.
Guillaume Mollaret

jerome-puech

La critique.- Voir Soptlight, c’est penser au film culte de tous les journalistes Les hommes du président. C’est aussi la mise en lumière du fonctionnement d’une rédaction, celle du Boston Globe, qui donne du temps et une carte blanche à quatre journalistes pour enquêter sur un scandale retentissant au sein de l’hermétique église catholique de la ville. Une utopie dans le métier actuel du journalisme en pleine remise en question. Mark Ruffalo crève l’écran en journaliste opiniâtre et solitaire. Michael Keaton et Rachel Mac Adams jouent également très bien dans un film promis à des récompenses aux prochains Oscars.

L’avis du communicant.- Au début, le film montre efficacement la façon dont l’église assure le verrouillage de sa communication.Spotlight décrit une communauté religieuse puissante, au dessus des lois et de la morale. Ses responsables sont des maîtres du jeu en matière de pressions, d’influences et de maintien dans le silence des sources d’informations. Mais peu à peu, le film met en évidence un système qui se fissure au fil de l’enquête des 4 journalistes têtus. C’est deux mondes qui s’affrontent. L’un des deux va l’emporterCela interroge sur ce qu’est devenue la communication de l’église catholique dans le monde. Sur ce problème précis, elle a du reconnaître les faits (tardivement) et indiquer comment elle traitait le problème. Sa communication demeure très opaque et secrète même si le Pape a fait son apparition sur Twitter. Ce film peut mettre en perspective la nécessité, de toutes les religions, de soigner ses relations avec la presse. De ce point de vue, l’attentat du 13 novembre à Paris est le communiqué de presse le plus efficace pour faire la promotion de l’Etat Islamique et de sa prétendue religion.
Jérôme Puech